Abdelmadjid Attar

Par Abdelmadjid Attar
(Consultant, ancien PDG de Sonatrach)

Voilà sept mois que la chute du prix du baril de pétrole a commencé, pour le voir baisser progressivement de 115 $ en juin 2014 à moins de 50 $ en janvier 2015, soit plus de la moitié. En ce moment, il semble qu’il se stabilise autour des 50 $.

Pour combien de temps et y a-t-il des chances pour le voir revenir à une meilleure performance en 2015 ? Il est vraiment difficile d’en prévoir l’évolution en ce moment du fait de trois catégories d’incertitudes :

– D’abord celle liée à l’extrême récession qui affecte l’une des plus grosses régions consommatrices d’énergie, à savoir l’Europe, et dont on n’arrive plus à prédire la fin. La baisse est par contre bénéfique à une certaine reprise de la consommation dans cette région, et probablement au ralentissement de la récession, sinon même à une reprise de la croissance au cours de l’année 2015.

– La réaction non seulement de l’Opep, mais aussi de tous les autres pays producteurs non-Opep, du fait que le niveau de prix actuel les a tous surpris. Une baisse était prévisible mais pas à un niveau aussi bas et, semble-t-il, pour plusieurs années, remettant en cause de nombreux investissements en amont, pourtant nécessaires au renouvellement des réserves de façon générale, et ceux destinés à poursuivre le développement et l’exploitation des hydrocarbures non conventionnels ou complexes, en particulier.
– L’hypothèse, selon de nombreux analystes, d’un objectif géostratégique visant à affaiblir en premier lieu la Russie, la naissance d’un bloc politico-économique eurasiatique, les ambitions nucléaires d’un Iran face aux pays du Moyen-Orient, et les «turbulences» d’un Venezuela en Amérique du Sud. Le premier semestre de l’année 2015 sera donc un semestre d’observation intense, et probablement de concertations multilatérales parce que :
– Même si l’objectif de l’Opep, et en fait celui des pays du Moyen-Orient surtout, était seulement de préserver leur part du marché en combattant les surproductions des pays non-Opep et les hydrocarbures non conventionnels, on peut considérer déjà qu’il n’a pas été atteint. D’où la dernière déclaration du ministre saoudien du Pétrole affirmant que même si le prix devait descendre à 20 dollars, il n’y aura pas de réduction du plafond de production de l’Opep. Ceux qui produisaient le plus continuent à le faire pour des raisons d’équilibre budgétaire.
Le prix actuel n’a d’incidence que sur les nouveaux investissements aux Etats-Unis.
Ce pays, unique producteur d’hydrocarbures non conventionnels, continuera à produire pour des raisons de sécurité énergétique, parce que cette production a déjà englouti beaucoup trop d’investissements qui ont permis aussi de développer l’industrie pétrochimique et d’assurer leur prédominance technologique dont auront besoin beaucoup d’autres pays qui envisagent la même aventure non conventionnelle (Chine, Australie, Algérie, Argentine et Afrique du Sud).
– Le baril est en train de se stabiliser en ce moment autour de 50 à 60 $ et il est peu probable qu’il aille en dessous de 40 $, niveau qui sera insoutenable pour tous.
A court terme par certains pays dont l’économie s’effondrera, avec des effets secondaires en matière d’instabilité locale et régionale.

Insoutenable vis-à-vis des politiques de lutte contre le réchauffement climatique et des programmes de développement des énergies renouvelables affichés aussi bien par les pays consommateurs que les pays producteurs d’hydrocarbures.

– Il est donc probable que le baril reprenne parce que la consommation reprendra aussi avec des prix aussi bas, mais certainement pas avant 6 à 12 mois, et très probablement pas au même niveau que celui de juin 2014.

Une évolution identique à celle qui a suivi le choc précédent de 2009 est envisageable avec un prix qui pourrait remonter entre une et deux années à un niveau de 70 $.
Qu’il s’agisse d’une guerre des hydrocarbures conventionnels contre les non-conventionnels, ou d’un bloc géopolitique contre un autre, le résultat va être certainement suivi de bouleversements importants à l’échelle mondiale.

– La consommation reprendra avec un pétrole et bien sûr un gaz naturel dont les prix demeureront beaucoup plus bas que ceux espérés par les pays dont l’économie en dépend. Ils en seront les grands et double perdants, avec des économies en ralentissement ou même en effondrement (Venezuela et Russie surtout), et une surexploitation dangereuse de leurs réserves au détriment de leur sécurité énergétique future. Même les pays du Moyen-Orient y laisseront des plumes au point de vue conservation des réserves parce qu’un pétrole pas cher sera de préférence et de plus en plus importé et consommé par les clients du Moyen-Orient au détriment des hydrocarbures non conventionnels même s’ils sont produits localement (Etats-Unis – Canada – Chine).

On peut alors se poser la question suivante : à qui profitera, à long terme, la baisse actuelle du baril et s’agit-il d’un objectif stratégique à long terme d’un ou de plusieurs acteurs énergétiques mondiaux ?

– Le dernier rapport de l’AIE ainsi que la plupart des analyses laissent prévoir qu’en dehors des hydrocarbures non conventionnels, il y aura un épuisement rapide des réserves dans tous les pays de l’OCDE entre 2015 et 2025, puis une forte dépendance des réserves du Moyen-Orient à partir de 2025 suivie d’une augmentation du baril au-delà de 140 $. Mais il faut préciser que le Moyen-Orient consommera aussi à partir de cette date environ 60% de sa production même si celle-ci est appelée à augmenter jusqu’en 2040.
– Sur un autre plan, après plus de dix ans d’évaluation et de développement (technologique surtout), grâce à un prix moyen entre 80 et 100$ le baril, les Etats-Unis sont arrivés à maîtriser parfaitement l’exploitation des hydrocarbures non conventionnels en ce moment, et ont assuré pratiquement leur indépendance énergétique sur le long terme à travers la certitude sur leurs réserves et la maîtrise des technologies nécessaires. La seule contrainte qui demeure est celle du prix de revient et par conséquent la compétition avec le baril conventionnel. Il est donc logique de penser qu’il est dans leur intérêt stratégique, en cas de forte baisse du baril, de revenir sur une courte période à un approvisionnement par un pétrole pas cher du Moyen- Orient ou d’ailleurs, avec en sus une reprise de l’économie de l’ensemble des pays de l’OCDE, et une assurance de sécurité énergétique au-delà de 2025 grâce aux hydrocarbures non conventionnels qui seront alors encore plus rentables. Pour les Etats-Unis, extraire maintenant des hydrocarbures non conventionnels à un prix relativement élevé ou les importer à un prix bas comme celui d’aujourd’hui revient au même, avec même un bonus : consommer les ressources des autres, préserver les siennes pour plus tard, quand l’exploitation des non-conventionnels sera inévitable face à la réduction des réserves conventionnelles, et exporter leur savoir-faire dans ce domaine.

Cela signifie que les pays de l’Opep et du Moyen-Orient en particulier sont en train de se tirer une balle dans le pied à moins que leur stratégie ne vise un autre objectif.
– Les autres bénéficiaires seront non seulement les pays de l’OCDE (Europe surtout), mais aussi les pays émergents tels que la Chine, l’Inde et le Brésil dont la croissance économique et l’essor urbain nécessitent d’importantes ressources énergétiques. La disponibilité d’hydrocarbures pas chers leur permettra d’allonger la période de transition vers des ressources alternatives et renouvelables dont le rythme de développement n’est pas aussi rapide qu’on le croit, puisque ces dernières n’atteindront que 25 à 30% (y compris le nucléaire) dans la production énergétique mondiale en 2040. Les politiques d’économie d’énergie viendront renforcer de leur côté une baisse de consommation significative. Cette phase de transition énergétique a, certes, été quelque peu perturbée et rallongée par l’accident de Fukushima, mais il faut noter qu’il y a pas moins d’une soixantaine de centrales nucléaires en construction dans le monde dont 28 en Chine, 10 en Inde et 5 en Russie.
– On peut croire que les énergies renouvelables, et par conséquent les programmes de lutte contre le réchauffement climatique, seront aussi perdants au cours de la période à moyen terme (5 à 10 ans) qui s’annonce avec un prix du baril trop bas. Là aussi il ne faut pas se faire d’illusions, car les pays développés et gros consommateurs d’énergie ont déjà pris de l’avance non seulement en développant les technologies nécessaires, mais aussi en mettant en œuvre une véritable transition énergétique avec des programmes d’économie d’énergie et des projets dont le niveau de production correspondra à une véritable source d’énergie alternative au-delà de 2030. Pendant ce temps, les pays producteurs (Opep et non-OCDE) seront plus préoccupés à produire au maximum pour préserver leur rente destinée beaucoup plus à une survie ou à un certain confort social. Ils auront aussi tendance à réduire ou retarder les investissements en énergies renouvelables, en accentuant la consommation de leurs propres réserves conventionnelles.
– Sur le plan géopolitique, on assistera toujours à un monde divisé en plusieurs blocs, sur la base des mêmes critères de puissance économique, technologique, et militaire, mais parmi lesquels le paramètre de sécurité énergétique pèsera de tout son poids non seulement sur les relations internationales, les alliances, mais aussi la stabilité ou l’instabilité intérieure des pays ou des régions. L’énergie et sa consommation étant à la base du développement économique et social, et la carte mondiale de répartition autant des ressources que des capacités de production, ou de la consommation, étant appelée à de profondes modifications, le monde après 2030 ne sera plus le même. Pour comprendre ce que sera ce monde à travers l’importance et le rôle de l’énergie, il suffit d’analyser sur les cinq années passées 2009-2013 l’évolution, la nature, et la répartition des réserves et des capacités de production mondiales. (cf. tableau ci-dessous). Le Moyen-Orient renferme l’essentiel des réserves prouvées d’hydrocarbures dans le monde, soit 1 400 Mds Bep (dont 600 pour le gaz naturel), et pratiquement la plus importante partie des ressources en gaz non conventionnel. L’Amérique du Nord, centrale et du Sud viennent en deuxième position avec seulement si on inclut le gaz non conventionnel dont les ressources ne sont apparemment confirmées et exploitées qu’en Amérique du Nord. Sur les 300 Mds Bep en Amérique du Nord, il n’y a que 83 Mds Bep en gaz naturel conventionnel, et ce sont surtout les 400 Mds de Bep en gaz non conventionnel qui la place en bonne position pour le long terme.

L’Europe de l’Est-Eurasie (dont la Russie surtout) et l’Afrique viennent en troisième position avec cependant des réserves conventionnelles prouvées beaucoup plus importantes en Eurasie, l’Afrique renfermant plus de ressources non conventionnelles. L’Asie-Océanie renferme aussi d’importantes ressources non conventionnelles, notamment en Australie.
L’Europe de l’Ouest occupe la dernière place avec seulement 45 Mds Bep de réserves prouvées conventionnelles, et environ une centaine de Mds Bep en gaz non conventionnel. (Voir tableau).

On constate par ailleurs que :

– L’augmentation en réserves (pétrole et gaz) prouvées conventionnelles en 2013 par rapport à 2012 est bien en deçà de la production mondiale commercialisée. Il faut pratiquement cumuler les augmentations de réserves des cinq années 2009 à 2013 pour obtenir une moyenne annuelle de renouvellement qui demeure quand même inférieure à la production annuelle commercialisée en 2013. Nous ne disposons pas de données précises sur ces augmentations par pays, mais il semble que plus de 50% des augmentations de réserves correspondent à des réévaluations de réserves existantes et non à de nouvelles découvertes.
Cela correspond à la meilleure preuve que les réserves conventionnelles sont en cours d’épuisement, avec de simples et courtes périodes d’accroissement du fait de l’amélioration des taux de récupération, ponctuées bien sûr par des découvertes parfois exceptionnelles, d’autres fois en grand nombre mais dont les volumes sont de plus en plus faibles et surtout de plus en plus complexes à découvrir et à exploiter. La période du pétrole et du gaz pas chers est bien finie. D’où l’avènement des hydrocarbures non conventionnels qui viennent confirmer ce constat.
– On constate aussi que les ressources en hydrocarbures non conventionnels obéissent à peu près aux mêmes critères de répartition que les hydrocarbures conventionnels, ce qui est techniquement très logique, puisqu’on les appelle souvent «hydrocarbures de roches mères», pour la simple raison que ce sont ces roches mères qui ont généré les hydrocarbures conventionnels dont l’exploitation est en cours depuis un siècle.
Les volumes ou plutôt les molécules qui demeurent ainsi piégées dans les roches mères sont certes très importants et parfois même supérieurs aux volumes expulsés et piégés dans les réservoirs conventionnels, mais ils sont éparpillés sur d’énormes surfaces (égales à celles des roches mères), en faible densité, et par conséquent très complexes à produire, d’où la nécessité de technologies complexes (fracturation) et des taux de récupération entre 5 et 20%, selon qu’il s’agisse de pétrole liquide ou de gaz naturel.
– On constate enfin qu’en dehors de l’Amérique du Nord, l’essentiel des réserves prouvées conventionnelles est situé en dehors des régions qui en consomment le plus (Etats-Unis, Europe, Chine et Inde), et paradoxalement dans des régions aujourd’hui exportatrices, dont l’économie est fortement dépendante des hydrocarbures, mais aussi dont la consommation interne est en croissance rapide. L’énergie, quelle que soit sa source, étant le moteur du développement ; le monde étant devenu trop rapidement énergivore sans se soucier aussi bien du caractère non renouvelable de la principale ressource naturelle (hydrocarbures) exploitée à ce jour que des dégâts qui en découlent ; le fait qu’on s’aperçoive un peu en retard qu’une transition d’une énergie non renouvelable vers une autre alternative nécessite non seulement une énorme avancée technologique mais surtout une période dont la durée pourrait être trop longue ; toutes les stratégies mises en œuvre actuellement sont basées sur :
– La possession ou le contrôle des ressources restantes entre 2020 et 2040.
– La maîtrise des technologies liées à leur exploitation.
– Et enfin le contrôle des mécanismes d’échange (marchés) et des voies de transit de ces ressources. A titre d’illustration, il est intéressant de rappeler le contenu d’une étude réalisée aux Etats-Unis en 2011 par plusieurs experts en collaboration avec l’Institut James A. Baker III Institute for Public Policy, Rice University. Cette analyse, intitulée «Shale Gas and U.S. National Security», a mis en relief les répercussions géopolitiques suivantes du développement du gaz de schiste aux Etats-Unis :

1- Arrêt de l’importation du GNL sur au moins 20 ans.

2- Réduction de la compétition avec le GNL du Moyen-Orient avec des prix modérés et accroissement de l’utilisation du gaz avec implications environnementales positives.

3- Combattre le monopole du Forum des pays exportateurs de gaz à long terme et la position dominante de la Russie comme mono-fournisseur de gaz à l’Europe.

4- Réduire la part de marché russe en Europe de l’Ouest de 27% en 2009 à 13% en 2040, et par conséquent leur poids politique à travers l’énergie.

5- Réduire la part de l’offre mondiale en gaz de la Russie, l’Iran et le Venezuela, dont l’offre pourrait atteindre 33% en 2040 sans le gaz de schiste et seulement 26% avec le gaz de schiste.

6- Réduire l’opportunité pour le Venezuela de devenir un exportateur majeur de GNL, et éviter la dépendance de l’Europe et de l’hémisphère ouest du Venezuela.

7- Réduire la dépendance du gaz du Moyen-Orient aussi bien des Etats-Unis que de la Chine, pour éviter une compétition entre eux en tant que plus gros consommateurs d’énergie.

8- Réduire la capacité de l’influence diplomatique iranienne à travers l’énergie en tant que moyen de renforcement de sa puissance régionale et ses ambitions nucléaires.
Voilà donc pourquoi la scène énergétique mondiale est en train de changer, et changera de plus en plus rapidement :

– A l’avantage de ceux qui consomment le plus d’énergie mais se préparent déjà à traverser une transition énergétique basée sur le contrôle des ressources, des échanges (marchés), et des voies de transit, la diversification des sources d’énergie, la réduction des consommations, et la maîtrise des technologies en adéquation avec ces objectifs.
– Au détriment de ceux qui ne font rien de tout ça, surtout quand ils disposent de ressources abondantes consacrées à assurer une rente et un confort éphémères.

L’Algérie est-elle préparée aux défis qui l’attendent ?

Depuis quelques années, et à chaque fois que le poids des hydrocarbures ou tout simplement le marché pétrolier sont l’objet de la moindre crainte ou incertitude d’avenir, il s’instaure un débat de sourds entre, d’une part, une société civile dont l’élite s’inquiète, le citoyen panique, et d’autre part, des institutions qui tentent d’afficher une sérénité dans l’objectif de rassurer le citoyen en question. Est-ce qu’il y a vraiment de quoi s’inquiéter ? La sérénité affichée est-elle justifiée ou cache-t-elle de graves préoccupations qui sont ou non prises en charge ? Est-ce que ce genre de situations était prévisible et aurait-on pu s’y préparer avec les remèdes qu’il faut ?

Les avis et les analyses, qu’ils viennent d’experts ou des institutions, sont tellement divergents et aléatoires que le citoyen finit par croire qu’il évolue dans une suite de tunnels sans issues de secours, heureusement séparés par des tronçons à l’air libre. Il y a par conséquent de quoi s’inquiéter ne serait-ce qu’au sujet de ce parcours imposé dont le citoyen n’arrive pas à en voir le bout malgré toutes les assurances délivrées.

Commençons par répondre à la dernière question, la plus simple mais la plus importante, car prévenir c’est guérir. Oui la situation était prévisible puisqu’on n’en est pas à la première crise pétrolière qu’elle soit baissière ou haussière, l’une étant toujours suivie par l’autre après une phase dont la durée devient de plus en plus courte (quelques années).
On a l’impression que les politiques de développement ne visent plus que le court terme, ou tout au plus le moyen terme, alors que les objectifs en matière de régulation, de réflexion, d’analyse, de stratégies de développement à construire et à mettre en œuvre devraient viser le long terme.
Penser et travailler au quotidien c’est oublier l’avenir et inévitablement être dans l’incapacité de répondre aux problèmes et défis futurs. C’est ainsi qu’on se retrouve souvent face à des situations et des revendications impossibles à assurer qu’elles soient légitimes ou non. Pour le long terme, l’Etat devrait créer en premier lieu en son sein une véritable cellule de crise qui devrait dérouler tous les scénarios possibles et en déduire les actions à entreprendre à commencer par tenir un langage sincère avec le citoyen, l’informer, le faire participer, pour le sensibiliser parce que si celui-ci est convaincu et amené à contribuer à la lutte contre le gaspillage, il sera possible de faire effectivement d’énormes économies.
Dans l’immédiat, l’Etat doit à mon avis réduire, ou au moins envisager de le faire dans un délai assez rapproché, toutes les dépenses qui ne sont pas destinées à rapporter une valeur ajoutée :
– Réduire en premier lieu et à titre d’exemple le train de vie des institutions étatiques.
– Coupes budgétaires dans les programmes ou projets non générateurs d’emplois y compris dans le secteur des hydrocarbures, à moins que cela ne se fasse en partenariat avec un risque financier pris en charge par le partenaire.

– Restriction des importations en imposant des normes très strictes pour tout ce qui est énergivore, et en avantageant la production nationale.
– Révision ou report de certains transferts sociaux qui ne concernent pas les couches les plus défavorisées.
C’est une forme de sacrifice qui est valable aussi pour le citoyen en général à qui on doit expliquer que le sacrifice ne signifie pas recevoir moins. Il s’agit simplement de consommer moins, de gâcher moins, de remettre à plus tard son désir et se contenter du minimum quand il y va de l’intérêt général et celui de son pays. C’est, certes, difficile après tant d’années au cours desquelles on s’est tous habitué au confort pas cher, au tout gratuit, au crédit et à la facilité, mais il y va de l’avenir de tous. Beaucoup diront «pourquoi maintenant et qu’a-t-on fait depuis 50 ans ?». Hélas, regarder derrière ne nous avancera pas à grand-chose, et a-t-on sincèrement une autre solution (économique bien sûr) ? J’en doute.

De la nécessité de bâtir une économie indépendante des hydrocarbures
On a pris du retard mais il n’est pas trop tard, et la crise pétrolière qui semble durer dans le temps devrait être l’occasion ou jamais d’affecter une bonne partie de la rente pétrolière au développement d’activités dans les secteurs créateurs de nouvelles richesses. L’Etat a énormément investi depuis une décennie dans des secteurs et des infrastructures formidables, mais, hélas, sans aucun retour au point de vue production de nouvelles richesses, en dehors d’un certain confort et d’un accroissement de la consommation non productive. On peut citer à titre d’exemple quatre secteurs :

– D’abord l’agriculture et l’hydraulique qui ont englouti des investissements colossaux : il va falloir passer au stade du développement de surfaces exploitables à grande échelle, à l’amélioration des rendements et de la qualité, à l’agro-industrie, en ayant comme objectif la sécurité alimentaire et pourquoi pas l’exportation.
– Routes, aéroports, ports, zones d’activités industrielles : il va falloir les compléter avec des activités créatrices de valeurs ajoutées, et en finir avec leur exploitation pour le confort, le prestige, et l’import-import.

– Etablissements de formation : il va falloir passer à l’amélioration et même l’obligation du niveau de formation en privilégiant la qualité et non la quantité.
Cela devrait passer par un partenariat universités-entreprises pour introduire non pas seulement le savoir mais surtout le savoir-faire. La formation professionnelle devrait aussi constituer la priorité dans les programmes à venir.

– La consommation énergétique a connu un accroissement effrayant qui fait de l’Algérie un des pays les plus énergivores, mais sans retour de transformation de cette énergie en production industrielle ou agricole exportable.
La sécurité énergétique du pays nécessite la mise en œuvre urgente d’une politique énergétique basée sur une transition vers les énergies renouvelables, qui assurera elle-même non seulement la disponibilité de l’énergie dont auront besoin tous les secteurs à développer, mais surtout la possibilité de consacrer encore pendant plusieurs années une bonne partie de la rente aux autres besoins économiques et sociaux incompressibles parce que la sortie de la dépendance des hydrocarbures de notre économie ne se fera pas avant 10 années au moins.

De la nécessité de placer l’entreprise au cœur du développement économique
Il est temps d’en finir avec le soutien des entreprises publiques budgétivores auxquelles il faut imposer une fois pour toutes des obligations de résultat, de dissolution ou de privatisation pure et simple, encore faut-il que cela soit possible.
– Pour cela, il faut mettre en place de véritables contrats de performance impliquant non seulement les gestionnaires dont il faut quand même libérer l’initiative, mais aussi les travailleurs et les partenaires sociaux à travers un vrai pacte de participation qui engage tous les acteurs en véritables actionnaires, autour d’un objectif unique : travail, rendement, résultat.
– Pour cela il faut des capacités et des compétences managériales exceptionnelles, qui nécessitent elles-mêmes des managers exceptionnels, et par conséquent des pouvoirs et une autonomie de décision exceptionnels.
Il faut donc en finir avec les cycles répétitifs de restructuration et de réorganisation qui n’ont consisté, à ce jour, qu’à des modifications d’organigrammes et de structures de rattachement à telle ou telle institution (administrative ou politique) qui n’a rien à voir avec l’entrepreneuriat.
– Il faut enfin en finir avec la ségrégation entre l’entreprise privée et l’entreprise publique, et n’accompagner que les entreprises qui créent de la valeur ajoutée dans le pays, pour le pays et par les ressources du pays.

A. A.